Aménagement agropastoral : une retenue d’eau salvatrice pour le bétail dans la commune de Kalalé

Actualités locales, 11.04.2019

Près de 30 000 animaux viennent s’abreuver chaque jour au barrage de Gnel Boucatou (Kalalé), presque le double de sa capacité avant son réaménagement dans le cadre des initiatives de réhabilitation des infrastructures agropastorales du Programme d’Appui au Développement du Secteur Rural (PASDeR) de la Coopération suisse, au profit des organisations d’éleveurs. Ce nouvel ouvrage datant de 2015, constitue une réponse pertinente aux énormes difficultés et vulnérabilités auxquelles est confronté le pastoralisme transhumant. La réhabilitation de la retenue d’eau résulte d’une demande formulée par les populations, entérinée par l’Union Communale des Organisations Professionnelles des Eleveurs de Ruminants (UCOPER) de Kalalé, suite à un processus participatif, accompagnée par le Ciradel et impliquant la commune.

Aménagement agropastoral
Le barrage de Gnel Boucatou à Kalalé © DDC Benin

L’indisponibilité du pâturage constitue, avec la pénurie d’eau pour l’abreuvement du bétail, deux des principales préoccupations des éleveurs. Dans la commune de Kalalé, 90% du cheptel migre pendant la transhumance sans espoir de retour. Les troupeaux gardés sur place en saison sèche se disputent les maigres ressources en eau encore disponibles. De nombreux animaux se retrouvent ainsi autour des rares retenues d’eau pérennes, comme celle de Gnel Boucatou.

En 2014, le barrage de Gnel Boucatou était sur le point de disparaître. Les notables du village frappaient alors aux portes de la mairie, de l’arrondissement, de l’UCOPER Kalalé pour sa réhabilitation. L’UCOPER Kalalé a soumis leur doléance à la Coopération Suisse à travers le Programme d’Appui au Développement du Secteur Rural (PASDeR). Ayant reçu l’avis favorable de la Coopération Suisse, un processus participatif a été alors mis en place pour identifier, mettre en place, exploiter et entretenir l’infrastructure. C’était le début d’un processus devant aboutir à la réalisation de l’ouvrage tant espéré par les bénéficiaires. La réalisation de cet ouvrage a été de façon participative et inclusive à travers un comité mis en place pour le suivi des opérations.

Le comité surveille, l’UCOPER forme, la mairie règlemente

En avril 2015, une sensibilisation intense est conduite par les animateurs, les techniciens et les élus de l’UCOPER, appuyés par le Ciradel. L’aménagement du barrage va aussi mobiliser divers autres acteurs, dont les agents de l’agriculture et de l’élevage. Le village fournit le camion benne pour le transport des blocs de pierre et du sable. Les jeunes de Gnel Boucatou assurent le ramassage du sable. Une entreprise de travaux publics, retenue suite à un appel d’offres impliquant l’unité de gestion du programme, l’UCOPER, le Ciradel, avec l’appui des services techniques de la mairie de Kalalé et de l’Etat, assurent la réhabilitation du barrage.

La mairie, considérée comme la « mère de L’UCOPER et de l’entreprise de construction » par les membres du comité de gestion du barrage de Gnel Boucatou, donne un cachet officiel à l’opération.

A la remise de l’ouvrage, et afin d’en assurer une bonne exploitation, l’UCOPER organise des séances de sensibilisation de la population et du comité de gestion sur les gestes à adopter pour l’entretien régulier de la digue. D’autres sessions portent sur l’interdiction de cultiver dans les bassins du barrage. Un comité de gestion, composé de cinq membres, avec à sa tête le président Bani Kouré, un trésorier et deux secrétaires, dont un secrétaire adjoint, veille à la bonne exploitation de la retenue d’eau. Il est secondé par un gardien bénévole.

Le comité assure les réparations, le contrôle, le nettoyage de la digue, et régule la pêche. Le gardien veille au respect du règlement. Il interdit la baignade, le lavage des motos, la vaisselle dans le barrage pour éviter la pollution de l’eau. La régulation de la pêche se fait en accord avec la mairie. Les prises de la pêche sont réparties de façon à ne laisser personne de côté.

Animaux abreuvés, légumes en toute saison, femmes épanouïes : une fierté locale

Les capacités de rétention d’eau de l’ouvrage réhabilité ont augmenté, grâce à la construction d’une digue qui permet de stocker l'eau pendant toute la saison sèche et d'avoir des légumes en toute saison. Le barrage attire ainsi les animaux à 20 km à la ronde, voire plus. Par exemple, on y croise des transhumants qui viennent du Nigeria avec près de 3000 têtes. Par jour, près de 30 000 animaux viennent s’abreuver au barrage, contre 17 000 avant sa réhabilitation.  Grâce à cette retenue d’eau, les populations de Gnel Boucatou envoient tardivement, ou pas du tout, leurs animaux en transhumance. La forte affluence des animaux vers le barrage dénote de la vitalité de l’élevage dans la zone.

Depuis la réhabilitation du barrage, la quantité d’eau a augmenté et l’ouvrage contient plus d’eau qu’en saison des pluies. L’aménagement du barrage a contribué à améliorer l’alimentation et accroître les revenus des femmes grâce aux produits des abattages d’animaux et des prises de pêche, comme le témoigne dame Dangorou Goro, présidente du groupement des femmes maraichères " Idiwad i", qui signifie " je veux, j’ai fait " : « Nous sommes les mieux placées pour vous dire ce que le barrage nous rapporte. Nos maris ne s’occupent pas de la « sauce ». Cette retenue d’eau nous permet d’avoir sur place les ingrédients pour la sauce. Avant, nous devions parcourir de longues distances pour aller chercher les feuilles à préparer et il n’y en avait même pas pendant la saison sèche. »

De plus, les femmes s’habillent mieux, grâce aux revenus issus de la vente du lait. Le marché de Bouca constitue le principal débouché pour ce produit. Les femmes décident en toute indépendance de l’usage de l’argent généré par la vente du lait. Le chef de ménage n’exerce aucun contrôle sur ces fonds. En somme, toute la population tire profit du barrage :  blanchisseuses, pêcheurs, fabricants de briques, agriculteurs, etc., fréquentent tous le barrage et y trouvent leur compte.

Cependant, le nombre élevé d’usager a fait courir des risques d’ensablement au barrage. Face à cette situation, le comité de gestion du barrage a décidé de sensibiliser les populations pour sauvegarder et rentabiliser la retenue d’eau. Un plan assorti de taxes a été mis en place avec l’appui de la mairie et de l’UCOPER pour mieux la gérer et légiférer sur son usage.

L’expérience de la réhabilitation du barrage de Gnel Boucatou est un succès. L’approche participative utilisée pour sa mise en œuvre a permis de renforcer l’apprentissage de l’autonomisation et la responsabilisation des membres du comité de gestion. Néanmoins, vu les retombées de l’ouvrage et l’engagement des populations et du comité de gestion, l’UCOPER Kalalé doit renforcer le plaidoyer pour le respect de l’emprise du barrage, officialiser et harmoniser les tarifs d’usage de l’eau du barrage