Votre projet permet aussi les synergies avec plusieurs secteurs de la région. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Notre projet s'inscrit pleinement dans une démarche de collaboration et de renforcement des liens avec divers secteurs de la région. Une de nos priorités est de favoriser une économie locale dynamique et durable. Nous collaborons avec le secteur de l’artisanat, du tourisme et du commerce de proximité. Nous avons établi des partenariats avec des artisans et des commerçants locaux, intégrant leurs compétences et leurs produits dans nos projets de développement. Nous nous fournissons auprès d’eux dès que cela est possible.

Notre activité de vente est entièrement dirigée vers le marché local (moins de 40 km) en premier lieu, puis national afin de promouvoir une façon de consommer différente et plus enrichissante par sa diversité et son terroir. Cette démarche vise à soutenir l'économie locale tout en offrant à la communauté un accès à des produits frais et de qualité, un hébergement insolite et une expérience artistique dans une région qui manque malheureusement de toutes ces commodités.

Notre engagement envers la collaboration locale reflète notre vision d'un développement où l’agriculture durable et l’art s'intègrent harmonieusement dans le tissu social et économique. Ces synergies renforcent la durabilité de notre projet et contribuent de manière positive au développement de la région.

Que pourriez-vous dire aux personnes qui ne sont pas convaincues par le modèle de permaculture en Tunisie ou qui trouvent ce modèle marginal ?

La permaculture est une conception globale de la place de l’Humain dans la nature, l’habitat, l’utilisation de l’espace, la façon dont il produit son alimentation, la création de valeur dans un territoire... c’est une philosophie de vie plus qu’un mode de production. De ce fait, ce mode de vie est marginal car il est en marge des pratiques conventionnelles dans notre société consumériste où prévaut l’efficacité financière sur la cohésion sociale et la viabilité environnementale. La permaculture propose un cadre de conception avec des principes comme prendre soin de l’humain et de la nature, partager équitablement.

Pour le mode de production agricole, les techniques que nous utilisons sont basées sur l’agroécologie, l’agriculture naturelle, la culture sur sol vivant… Plusieurs concepts qui finalement tentent d’éliminer le travail du sol et à supprimer les intrants chimiques et ainsi revenir à une agriculture qui promeut la biodiversité qui est une source d’abondance.

Cette agriculture a fait ses preuves en termes d’adaptation au climat de chaque région, et montre qu’elle peut nourrir la planète en termes de quantité et surtout de qualité. Ces techniques peuvent initialement être surprenantes par rapport aux méthodes agricoles conventionnelles basées sur l’agrochimie, mais elles représentent une approche durable et respectueuse de l’environnement. La principale opération de cette approche est de remettre la vie dans les sols, en favorisant la biodiversité, le non-travail du sol et l’apport de matière organique. Nous comprenons que le changement peut rebuter quelques-uns, mais notre expérience pratique à la ferme ainsi que dans d’autres fermes en Tunisie démontre que l’agroécologie est une approche efficace.

Après quelques années d’expérimentations, nous avons abouti à des résultats concrets et positifs. Nous avons réussi à agrader le sol et à créer un écosystème agricole diversifié, résilient et respectueux de l'environnement. Nos cultures prospèrent sans recourir à des intrants chimiques nuisibles, ce qui garantit la production de fruits et légumes sains. La permaculture ne se contente pas de cultiver des aliments, elle encourage également la collaboration avec la communauté locale, et favorise l'économie circulaire.

En visitant notre ferme, vous pourrez constater par vous-même les résultats tangibles de la permaculture et comprendre comment cette approche peut être bénéfique à la fois pour l'environnement et la communauté. Nous sommes ouverts à la discussion, prêts à partager nos erreurs, nos succès et nos apprentissages, et nous espérons que notre expérience inspirera une vision plus positive et acceptée de la permaculture en Tunisie.

Quels sont les obstacles à dépasser dans le domaine de la permaculture ?

Bien que nous ayons réalisé des progrès significatifs, plusieurs obstacles persistent et demandent une attention continue. L'un des défis majeurs est la nécessité de sensibiliser davantage la communauté sur les concepts de durabilité et de permaculture. Il est essentiel d'informer et d'éduquer sur les avantages environnementaux, sociaux et économiques de ces approches. Nous devons encourager un changement de mentalité pour que la durabilité devienne une préoccupation partagée et intégrée dans le quotidien de chacun. Les obstacles liés à la législation et au cadre réglementaire représentent également un défi. Il est crucial de travailler en étroite collaboration avec les autorités locales pour favoriser une compréhension approfondie des pratiques de permaculture et pour promouvoir des réglementations qui soutiennent ces initiatives durables. Cela pourrait impliquer des discussions sur des incitations fiscales, des normes agricoles adaptées, et la création de politiques environnementales encourageant la permaculture, l’agroécologie ainsi que la mise en place d’une gouvernance commune afin de fluidifier les échanges et accélérer les processus au sein du territoire.

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ?

Dans cinq ans, nous espérons que la ferme Homarne Sustainable Living continuera son petit chemin vers plus de résilience et de réussite. Nous souhaitons étendre nos activités en impliquant davantage la communauté locale et en jouant un rôle moteur dans la promotion d'initiatives durables en Tunisie. Nous espérons également contribuer à la création d'un réseau régional d'agriculture durable et échanger des connaissances avec d'autres initiatives similaires. Notre vision la plus audacieuse est de voir Homrane devenir le premier bio-territoire de Tunisie, basé sur la production agro-ecologique et l'agri-tourisme.