«Sur le Sponsoring, le DFAE respecte son devoir de diligence»

Présence Suisse (PRS) a été chargé de réviser la politique de sponsoring du DFAE. Celle-ci découle directement de la nouvelle stratégie de communication internationale du département et détermine les critères applicables lors des futurs partenariats de sponsoring privés avec sa centrale et ses représentations à l’étranger. Quelles sont les nouveautés apportées au manuel de sponsoring de PRS ? Son directeur Nicolas Bideau répond.

Portrait de Nicolas Bideau lors d’un discours.

Directeur de Présence Suisse, Nicolas Bideau a été chargé, en 2019, de réviser les ligne directrices de la nouvelle Sponsoring Policy du DFAE. © Keystone

Les nouveaux critères ne modifient, en substance, pas les principes de base du manuel de sponsoring; le DFAE peut toujours compter sur des sponsors privés pour ses représentations à l’international. Pourquoi les partenariats de sponsoring privé sont-ils si souhaités ?

Nous essayons d’avoir une collaboration fructueuse entre la Confédération et l’économie privée. La Suisse profite d’une longue expérience en la matière. La Confédération a besoin, la plupart du temps, du secteur économique avec lequel un transfert d’image est possible. Les entreprises ont ainsi l’occasion de s’associer aux valeurs de notre pays, à la marque Suisse. La Confédération, pour sa part, s’enquiert de sa bonne image, laquelle représente un important facteur de succès et une valeur ajoutée. Pour la Confédération, elle représente une chance de sauvegarder ses propres intérêts et a une influence sur sa prospérité.

La politique de sponsoring renforce les critères pour les futurs partenariats de sponsoring. Ces nouveaux critères semblent pourtant relever de l’ordre du détail. Concrètement, qu’y a-t-il de nouveau ?

Les partenariats avec l’économie restent, en effet, inchangés. Nous sommes, en revanche, devenus plus exigeants sur la question du transfert d’image. Auparavant, il y avait une plus grande marge de manœuvre. Présence Suisse veut être sûre que chaque transfert d’image soit positif pour la Confédération, raison pour laquelle certains critères seront traités de manière plus radicale. Il s’agit de préserver les valeurs fondamentales de la Suisse concernant l’environnement ou les droits de l’homme, par exemple. De même, une image négative d’un acteur privé dans les médias nous découragerait à conclure un accord de partenariat.

Sur un autre plan, par le passé, ce type d’analyses était mené de manière séparée de la Suisse. Précisément, un partenaire qui jouit d’une bonne image à l’étranger (en Asie, en Amérique latine, etc.) ne présentera pas nécessairement la même bonne image en Suisse. Nous avons donc décidé d’être plus exigeants et d’édicter des règles qui seront appliquées, de manière simultanée, aussi bien pour la Suisse qu’à l’étranger. Ce faisant, le DFAE respecte son devoir de diligence. Finalement, nous visons une transparence complète au regard de l’opinion publique; nous nous engageons, à partir du 1er janvier 2021, à communiquer de manière appropriée – aussi bien en Suisse que dans l’ensemble de ses représentations à l’étranger – tous les sponsors du DFAE.

Quelles répercussions aurait eu l’élaboration de cette nouvelle politique de sponsoring sur le partenariat conclu il y a deux ans avec Philip Morris International (PMI) dans le cadre de l’Exposition universelle de Dubaï ?

Avec PMI, le cas aurait été réglé assez facilement. La dynamique médiatique en Suisse a été négative. Une partie de la population et plusieurs médias ne comprenaient pas ce partenariat pour différentes raisons. La plus évidente concernait les discussions au sein du Parlement portant sur l’interdiction de la publicité pour le tabac vis-à-vis de la protection de la jeunesse. Cette dynamique médiatique négative ne correspond plus aux critères établis pour un partenariat avec la Confédération. Il est nécessaire que chaque citoyen et citoyenne suisse puisse comprendre les raisons d’un partenariat avec un acteur privé. S’il subsiste un doute sur l’effet positif du transfert d’image, le DFAE tranchera par la négative.

Un panneau blanc située à l’entrée d’un bâtiment détaille l’ensemble des partenaires du pavillon suisse lors de l’Exposition universelle de 2015 à Milan.
L’ensemble des parrainages du pavillon suisse lors de l’Exposition universelle de Milan en 2015 sont publiquement exposés. © DFAE

Cela signifie-t-il que certains secteurs seront d’emblée écartés de toute perspective de partenariat avec la Confédération ?

Pour chaque cas, le DFAE procèdera à une analyse réfléchie et étaiera ses décisions en fonction de la balance entre les avantages et les risques de conclure un nouveau partenariat de sponsoring. Mais il est important de préciser que certains secteurs auront plus de difficultés, à partir du 1er janvier 2021, à correspondre aux critères fixés par la Confédération. Mais les situations évoluent avec le temps. C’est pourquoi il est nécessaire de générer des clauses de sortie dans chaque contrat de partenariat en cas de violation ou négligence des principes édictés par le DFAE en cours de partenariat. Comprenons: si les critères sont plus précis, c’est aussi parce que nous évoluons de plus en plus dans un monde régi par l’éthique. Le DFAE ne peut pas échapper à cette logique.

Conférence de presse du Conseil Fédéral (18.12.2020). Thème: la Stratégie de communication internationale 2021-2024

Dans quelle mesure la politique de sponsoring permet d’atteindre les buts fixés par la stratégie de communication internationale du DFAE adoptée par le Conseil Fédéral ?

La stratégie de communication internationale était, jusqu’ici, liée au monde de l’économie de manière indirecte. La question de la place de l’économie se posait, la plupart du temps, dans le cadre des Expositions universelles, les maisons suisses aux Jeux Olympiques où les partenariats avec des acteurs privés étaient, en partie, privilégiés. Avec la crise du Covid-19, le Conseil fédéral a souhaité placer le soutien à l’économie et à l’exportation parmi les cinq objectifs principaux de la stratégie de communication internationale. Ainsi, les institutions classiques de promotion à l’exportation ont besoin, de par les conséquences de la pandémie, d’un apport de communication spécial, raison pour laquelle la nature de nos relations avec l’économie privée doit être exemplaire. En étant plus proches de l’économie, nous devrons aussi régler notre manière de travailler et collaborer avec elle de façon à atteindre nos objectifs en termes de politique intérieure et extérieure.

Existe-t-il des différences au sein de la nouvelle politique de sponsoring entre les critères appliqués à la centrale et ceux appliqués aux ambassades ? Comment PRS vient-il d’ailleurs en aide aux ambassades de Suisse à l’étranger ?

Les lignes directrices sur le Sponsoring, signées par le chef du département, représentent un cadre d’application que les ambassades de Suisse à l’étranger se doivent de respecter. En revanche, la responsabilité d’interpréter ce cadre directeur continuera d’incomber aux chefs de mission qui sont, comme toujours, plénipotentiaires. Il n’en reste pas moins qu’en cas de doutes, Présence Suisse sera désormais à disposition des ambassades avec un centre de compétences qui respectera les lignes directrices générales. La différence entre la centrale et les représentations à l’étranger porte sur la capacité d’analyse différenciée qu’ont les chefs de mission à l’étranger; en effet, beaucoup d’entreprises ne sont pas véritablement actives en Suisse mais davantage sur le front extérieur. Les principes restent donc les mêmes mais évoluent en fonction des situations.

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